premier tableau : oppression, 2013

il y a des bouteilles, à moitié pleines ou vides, qui jonchent le sol du petit appartement en banlieue de hanseo. si l'on prête l'oreille, on peut entendre les petits couinements des rongeurs qui n'attendent que le repos des humains pour pouvoir s'emparer de tout ce qu'il y a à grappiller. l'odeur n'est, heureusement, pas à la hauteur de cette pure vision d'horreur. dans le coin de la pièce, une masse difforme qui bouge enfin, à bien y regarder, on aurait pu la remarquer, du moins l'entendre, avec sa respiration rauque à vous en faire cauchemarder la nuit. yah, rends-toi utile et va chercher le paquet de clopes. la voix est insupportable, l'haleine le ferait presque vomir, le tas de chaire et de vêtements sales a beau être sa génitrice, jun ne peut s'empêcher que de ressentir du dégoût pour cet être qui correspond à celle qu'il doit appeler mère. alors il se lève difficilement du coin dans lequel il s'était établi pour essayer de faire ses devoirs, son chemin pour rallier la petite commode devient un parcours du combattant, tant il y a de déchets et d'immondices à éviter. plus vite que ça s'écrie alors la voix j'ai pas que ça à faire de te r'garder gesticuler ! les cris ont réussi à briser le sommeil fragile du bambin qui somnolait encore et à nouveau les pleurs du petit dernier emplissent les lieux. jun est désemparé, lui aussi, il aimerait bien pleurer, il aimerait bien crier, au lieu de ça, il ravale sa fierté, et il se tient encore prêt à encaisser.

deuxième tableau : libération, 2015

il est accompagné par plusieurs gars des rues quand ses premières passions lui sont apparues. tout d'abord, ce sport, que dire, cet art même que de discerner au milieu d'un chemin difficile, les endroits à utiliser pour se facilité la vie. ainsi, les parties de chat perchés ont été remplacées par le parkour. il n'y a rien de mieux que cette liberté ressentie en sautant d'une prise à une autre, rien de plus grisant que de sauter d'un toit pour en atterrir sur un autre, en sachant pertinemment que le saut avait été jugé trop compliqué à effectuer. le parkour devient aussi une bonne technique pour s'enfuir des groupuscules de policiers qui tenteraient de leur mettre les attraper. ajouté à cela, des centaines d'heures à se battre, juste pour le plaisir simple et brut de se taper dessus. les uns et les autres deviennent des défouloirs, parce que oui, ils sont comme ça les gars des rues. il est important d'apprendre que la meilleure défense reste l'attaque. alors dès son plus jeune âge on comprend qu'il est préférable d'utiliser ses poings avant de parler. principe qui est encore trop compliqué à mettre en pratique quand on cherche à s'intégrer à la société. c'est quand jun découvre la moto qu'un monde nouveau s'ouvre à lui. les courses clandestines avec des gros billets à la clés s'enchaînent. les courses poursuites aussi. jun ne sera jamais aussi heureux que lorsqu'il chevauche un de ces engins majestueux et qu'il file dans la nuit.

troisième tableau : implosion, 2022

la course de trop. celle qu'il n'aurait jamais dû accepter. cette même course à laquelle il n'aurait jamais dû participer pour flatter son ego. parce qu'il est là, à faire le fanfaron sur son bolide, il est insolent presque, à regarder en arrière pour voir ses adversaires. et d'un coup d'un seul, erreur de calcul, obstacle impossible à éviter, il est éjecté de la moto et envoyé valser par terre. jun est resté inconscient plusieurs heures durant. danse macabre entre la vie et la mort, pendant qu'on tente de lui faire rebrousser chemin. il n'y croyait pas non plus, et pourtant. aveuglé par la lumière de sa chambre en rouvrant les yeux, jun sent que la situation n'est plus comme avant. il sursaute quand une infirmière apparaît dans son champ de vision, mais pire encore, c'est qu'il commence à paniquer quand il n'arrive plus à bien l'entendre parler.

surdité unilatérale totale, tel est le fardeau qu'il doit à présent porter. l'accident et la chirurgie compliquée n'ont pas permis de le remettre totalement sur pied. l'oreille gauche de jun ne fonctionne plus, la spatialisation du son autour de lui en est totalement chamboulée. ça n'a l'air de rien, et pourtant il a honte de l'état dans lequel il s'est embourbé. la cicatrice qui court de sa tempe jusqu'à son oreille devient habilement cachée par des cheveux qu'il laisse volontairement pousser. les vertiges soudains qu'il ressent sont camouflés par une carapace nonchalante, désintéressée. le bourdonnement, le brouhaha de la vie est comblé par sa voix qui porte plus encore qu'à l'accoutumé. tout est fait pour que la perte soudaine de son audition soit compensée.

composition finale : réalité

chaos sans nom, fragilité, blessures profondes dissimulées, hyeon jun dans toute sa complexité.